FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 44
la charrette), et quand on arrivait il fallait traire les vaches. Il fallait s’occuper de tout, pas seulement des vaches, mais aussi des chevaux, des veaux, des cochons des lapins et de la bassecour. Sept jours sur sept, toute l’année».
C’était un travail d’esclaves… Pourtant ils persisteront et finiront par obtenir un statut plus intéressant auprès de la famille Delage qui se rend bien compte après la mort de Monsieur Delage que sans eux la ferme ne tiendrait pas six mois. Ils resteront jusqu’à leur retraite à la Coquillerie, et garderont un lien très fort avec Madame Delage dont ils s’occuperont avec dévouement dans les mois qui ont précédé sa mort. (Madame Delage refusera jusqu’au bout de quitter La Coquillerie pour aller vivre chez ses enfants, à Tours pour Jean, dans la banlieue parisienne pour Jacqueline, ou à Nice pour Michel!).
Monsieur Audebert
Amédée Audebert est le garde-champêtre de la commune. Il m’est difficile aujourd’hui de préciser quel âge il peut avoir réellement à cette époque, mais je le trouve très vieux ! Vient-il à l’étude pour affaire, ou est-ce dans le cadre de sa fonction, toujours est-il que je le vois souvent à la maison. Il porte toujours un képi un peu cabossé par les outrages du temps, et arbore fièrement à la manche de sa veste en velours côtelé sa plaque de cuivre qui atteste de sa fonction.
Monsieur Audebert s’aide pour marcher d’une canne ferrée et sa façon très particulière de « jeter » sa canne vers l’avant avant qu’elle ne retombe au sol me fascine.
Il n’a pas la réputation d’être un rigolo, mais ça n’empêche pas les enfants de chanter à son passage (dans son dos et à voix très basse): «C’est le garde-champêtre qui pue qui pète, qui prend son cul pour une trompette»…
Le tambour
Je ne sais plus qui était tambour à Sigogne. Ce n’était pas Monsieur Audebert. Il se déplaçait à vélo d’un endroit à l’autre du village, et était chargé par la mairie de colporter les informations municipales importantes. Le protocole se déroulait de façon immuable. Il s’arrêtait à l’endroit voulu, par exemple devant le monument aux morts, descendait de vélo et ajustait son tambour devant lui, puis il prenait ses baguettes accrochées à un baudrier, et commençait à battre son tambour. Rien de compliqué tara-tara-tara-tara, quelque chose comme ça ! Puis venait le fameux « Avisss à la population » qui entamait la communication.
Devant les quelques personnes qui s’étaient rassemblées, il lisait à voix forte le message qu’il avait extirpé de l’une de ses poches, puis quand c’était fini, pliait la feuille de papier, rangeait ses baguettes, faisait glisser son tambour sur le côté, enfourchait son vélo et allait cent mètres plus loin répéter l’ensemble : tara-tara-tara-tara…
(Pour illustrer ce détail, j’ai pris une photo d’une scène de « Jour de Fête », de Jacques Tati. Dans mon souvenir, le tambour de Sigogne était bien ressemblant à celui-ci ! Le film fait la peinture d’un village tellement proche de ce qu’était le mien que je pourrais en extraire n’importe quelle scène pour appuyer mes propres souvenirs… Ce pourrait par exemple être moi, cet enfant en culotte courte à l’arrière-plan !)
Le curé Ribeyra
Papa entretient avec ce vieux curé une relation très particulière. Aucun des deux ne cherchant à convertir l’autre ou à le blesser dans ses convictions, leurs échanges sont amicaux.
Ils vivront ensemble un curieux épisode pendant l’occupation allemande en se retrouvant tous deux, au même moment en pleine nuit, venus chacun de son côté pour dévisser une plaque posée sur
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