FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 45
la bâtiment de la COOP, indiquant la direction de la «kommandantur» !
Peytour
Peytour est le forgeron du village. Il est connu dans tout le canton sous le sobriquet de «Fi de garch’».
C’est un personnage haut en couleurs, grande gueule renfrognée, souvent torse nu dans son grand tablier de forgeron. Devant sa forge, dégoulinant de sueur il est impressionnant, maniant d’un geste précis sa lourde massette qu’il abat sur les fers chauffés à blanc pour les façonner au milieu des gerbes d’étincelles. Le bruit est puissant, permanent, on l’entend de l’extérieur de son atelier.
Il est également célèbre pour ses imprécations contre sa femme pour laquelle il n’a pas de mots suffisamment blessants. Sa formule favorite est la suivante : «Fi de garch’ (il ne dit pas comme tout le monde à Sigogne «fi d’garss’» mais «fi de garch’»), elle me fait chier, cette bouse…»
La famille Robert
La famille est composée des parents, de deux fils, Jean (sur la photo, en 1952), et Pierre, et d’une fille, Marie-Thérèse. Ils habitent une jolie ferme un peu plus bas que chez Madame Chéneby.
Les enfants, Jean surtout, se mettront pour un temps au ban du village pour avoir voulu que les parents, relativement vieux et malades, fassent le partage de leurs biens de leur vivant. Cela choque, on parle d’eux comme des fossoyeurs de leurs parents, alors qu’il souhaite seulement pouvoir travailler la propriété sur des bases claires…
Quand je croise Monsieur Robert ici ou là au village, il porte quel que soit le temps des lunettes d’écaille dont les verres sont jaunes. De chaque côté des branches s’articulent des œillères qui le protègent des excès de luminosité qu’il ne supporte sans doute plus. On dit d’ailleurs de lui qu’il est à moitié aveugle. D’un naturel très doux et très affable, il s’arrête toujours bavarder avec Madame Chéneby quand celle-ci est dans sa cour.
Sa femme, malade également, ne sort plus de chez elle. Je suis allé une fois dans leur cuisine faire une commission pour Madame Chéneby. Madame Robert était comme toujours installée dans un fauteuil d’osier près de la fenêtre. Elle était tellement pâle qu’elle en était transparente dans ses vêtements noirs. Mais ce qui me fascina ce jour-là, ce fut  le bocal posé sur la toile cirée de la table, dans lequel s’agitaient deux… sangsues. On m’expliquera ensuite que Madame Robert appliquait tous les jours ces sangsues sur ses jambes, pour soigner je ne sais plus quelle maladie de la circulation…
Monsieur Fromentin
«
Le père Fromentin » est l’un des menuisiers du village. C’est lui que papa a choisi pour travailler à la maison quand on a besoin de remplacer un carreau ou de réparer telle ou telle fenêtre ou porte. C’est lui qui se verra confier deux gros chantiers : la réfection de la charpente du chai qui conduit au « chai démoli », et le remplacement du plancher dans le bureau de papa. Concernant le premier chantier, je me souviens l’avoir rejoint un jour sur les poutres maîtresses du chai mises à nu, en grimpant à l’échelle qui se trouvait là. Je devais avoir quatre ans. Arrivé en haut, je l’avais appelé. Lorsqu’il se rendit compte de ce que j’avais fait (je déambulais au-dessus du vide), il me parla doucement, me disant de rester là où j’étais, qu’il allait me rejoindre… Inconscient du danger je l’attendis donc. Tout en continuant à me parler, il vint vers moi sur la poutre où j’étais arrivé, me prit doucement dans ses bras et me redescendit jusqu’au sol.
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