FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 48
Extérieurement, cela ne se voyait évidemment pas…
Mais un soir où je m’amusais à m’arrêter en butant contre le mur du portail (sic), le bois céda net, et je fus propulsé la tête la première contre le mur. J’aurais pu me tuer ! Papa qui avait vu la scène de loin accourut, tandis que je me relevai, sans trop de bobos. À la vue de mon vélo en deux morceaux, il comprit tout de suite les raisons de ma chute, et piqua une fureur noire contre celui qui avait maquillé ainsi la bicyclette…
Et après cette mauvaise expérience, il me fallut attendre quelques années avant de disposer de mon propre vélo. En attendant j’utilisais chaque fois que je le pouvais celui d’Éliane. C’était un magnifique vélo « Peugeot frères », acheté pendant les vacances d’été en Bretagne, chez Pustoch’ à Quimperlé…
Au fond de la grande place se trouve des escaliers qui permettent de rejoindre en contrebas la toute petite place de l’église. Un de nos jeux favoris est alors de descendre à pleine vitesse la volée de marches et de nous arrêter aussitôt après grâce à un grand dérapage de la roue arrière dans la poussière et les gravillons.
Un jour, Crochet, le plus intrépide d’entre nous, histoire d’asseoir définitivement son statut de casse-cou en chef, nous annonce qu’il «est cap’» de faire la même chose, mais sans les mains. Sous nos regards déjà admiratifs il se lance, et se retrouve le nez dans la poussière, empêtré dans son vélo. Il se relève fièrement regarde ses paumes et ses genoux en sang, et affirme avec panache qu’il recommencera un autre jour.
Mais ni lui ni personne d’autre ne retentera l’aventure…
Parfois, grâce à une pince à linge, on fixe entre les rayons de la roue arrière et le cadre un petit carton rigide qui, lorsqu’on roule fait un petit bruit mécanique. Notre vélo devient alors «une mobylette», et ça change tout…
Étant plus «cabrioles» que «vitesse», nous ne nous mesurons que rarement dans des courses. Une après-midi pourtant, sur la route de Cognac, nous sommes une demi-douzaine à avoir décidé d’en découdre. Et voilà qu’en plein sprint, mon pédalier se prend dans les rayons de la roue avant de Bernard Brothier. Nos roues sont bloquées net, et nous passons par-dessus nos machines.
Nous voilà en vrac sur la route, saignant un peu partout, mais encore une fois sans vrais dommages. En revanche, si mon vélo s’en sort sans trop de dégâts, la roue avant de celui de Bernard est dans un état pitoyable.
Alors clopin-clopant, nous rentrons comme nous pouvons jusqu’à nos maisons respectives, du sang un peu partout, affronter une fois leur inquiétude passée, la colère des parents.
Les billes
À l’ombre des marronniers on organise des jeux de billes, distinguant les «marbres» des «agates», les agates des «boulets». Les marbres sont en terre cuite peinte (neuves elles sont éclatantes de couleurs), les agates sont en verre, et les boulets en acier. Un taux de change existe même, une agate valant cinq marbres je crois, un boulet dix agates. Les boulets sont les plus enviés bien sûr, mais je n’en possède que rarement. Je n’apprendrai que tard que ce sont des billes qu’on n’achète pas, elles sont seulement récupérées dans de vieux roulements de roues de tracteurs, et seuls les initiés en possèdent. La position de «fils du notaire» a parfois quelques (maigres) avantages, mais elle ne m’est d’aucune aide dans l’approvisionnement en boulets !
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