FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
PAGES PRIVÉES   
MA VIE À SIGOGNE - 49
Le jeu de billes le plus acharné consiste à «dégommer» pour les gagner, celles des autres joueurs. On peut y parvenir en donnant une impulsion de l’index ou du majeur, d’abord retenu contre le bout du pouce avant d’être libéré, mais la technique des meilleurs consiste à la propulser grâce au pouce replié contre la bille logée dans l’index replié.  Cette technique est spectaculaire quand elle est maîtrisée (il arrive même que les marbres se cassent en deux sous les impacts), et assure une incontestable aura à ceux qui la maîtrise ! À ce jeu je suis généralement assez mauvais, et perd régulièrement mes billes, que je peux toutefois racheter aux gagnants contre quelques menues monnaies… Heureusement les prix pratiqués sur ces billes d’occasion sont très bas, à l’image du niveau d’économies dont je peux disposer !
Parfois, au début de l’été surtout, nous aménageons une sorte de piste en boucle dans le sable et la poussière de la petite place, piste qui comporte un certain nombre de virages relevés ou en devers, mais aussi des obstacles qu’il faut contourner sous peine de pénalités. Et sur ce circuit nous plaçons des figurines «de plomb» des coureurs cyclistes célèbres à l’époque, que nous déplaçons au gré de l’avance de nos propres billes. Nous appelons ça, jouer au Tour de France.
Avant de démarrer le jeu, chaque participant doit miser un nombre de billes, le même pour tous. Le but étant bien sûr de faire passer en premier la ligne d’arrivée à son champion. Dans les lignes droites il faut lancer la bille très loin, ou au contraire négocier avec prudence et habileté les virages en devers, ou le contournement des obstacles, car dès qu’une bille sort de la piste, elle doit retourner à son point de départ, et attendre à nouveau avant d’être rejouée.
Le gagnant reçoit la plus grosse part des mises, le deuxième empochant les miettes qui restent !
Les bornes
De grosses bornes entourent les deux places. Ici, sur ce détail d’une carte postale ancienne, on voit celles de la «grande place».
Elles sont l’objet de nombreux jeux. Il s’agira par exemple de passer de l’une à l’autre le plus vite possible en sautant successivement sur chacune d’elle. Le chronométrage se faisant à la voix, les résultats sont souvent sujets à contestations !
On essaie aussi de rester en équilibre sur les grosses chaînes qui en relient certaines (on les aperçoit sur la photo), mais il est rare qu’on tienne plus d’une ou deux secondes.
Mais le jeu qu’on pratique le plus souvent sur ces bornes, surtout quand on est nombreux,c’est «touche-touche» (qu’à Sigogne on appelle aussi «puce»), qui est plus généralement connu sous le nom du chat perché.

Barbe Blanche
Il n’y a ni rivière ni cours d’eau permanent qui passe à Sigogne. Cependant en hiver, certaines saisons pluvieuses, un méchant ru se forme à deux ou trois kilomètres du bourg. Pendant ces hivers, sur la foi des rumeurs, nous allons à grands coups de pédales jusqu’à «Barbe Blanche», lieu-dit du village où coule ce ruisseau éphémère.
(Sur cette vue des cartes Cassini (XVIII°siècle) le lieu-dit de Barbe Blanche est répertorié).
Là, nous rivalisons d’astuces pour édifier des barrages, pour créer des passages obligés dans lesquels nous ferons circuler des radeaux, coupés à la hâte dans des branches des buissons voisins. Nous les lançons d’un côté de la route, et courons de l’autre côté pour les voir déboucher dans le courant avant de se perdre au loin. Le jeu dure des heures, et c’est tout crottés et les vêtements trempés que nous rentrons à la maison, les mains et le nez glacés par le froid.
Sigogne 50 Sigogne 48
99
100