Le cirque
        Une fois, au début des vacances d’été nous avons décidé de faire un cirque. Point d’animaux savants ni de cages aux tigres, mais nous pensons que quelques numéros d’acrobatie, tours de cartes ou tours de magie feront l’affaire. La barre à mine du jardin fait office de trapèze, et nous cassons notre tirelire pour acheter de la corde (neuve !) pour l’accrocher au tilleul du parc. 
Il y a là en particulier Bernard Brothier, Alain Blanc et deux autres compères. Et nous commençons les répétitions. Au trapèze je suis le représentant de la troupe. Je ne sais plus trop ce que je fais, mais je me souviens qu’il me faut à un moment du numéro me jeter en arrière et me rattraper par les pieds. Les autres montent une pyramide humaine improbable. J’assure aussi les tours de carte (appris par mon grand-père : mutus/nomen/dedit/cocis) et LE « tour de magie » consistant à escamoter un verre caché sous une feuille de papier avant d’écraser celle-ci. 
Quand nous nous jugeons parfaitement au point nous décidons de faire la publicité de notre spectacle. Pour cela je démonte l’échappement du gramophone qui traîne au grenier, et muni de ce porte-voix improvisé nous enfourchons les vélos et faisons le tour du village, nous arrêtant tous les cents mètres pour faire notre annonce… 
        Contre toute attente, à l’heure dite, une demi-douzaine de gamins se présentent au portail de la maison, et s’acquittent des vingt francs du droit d’entrer ! Tout se déroule au mieux sous le regard admiratif des spectateurs, et quand le show est fini et que nous nous retrouvons seuls, nous comptons et recomptons notre recette, que nous décidons de cacher dans les cadres d’une ruche désaffectée qui traîne dans l’écurie, en attendant d’en décider l’usage. Ce n’est qu’une fois l’évidence admise par tous qu’il ne pourrait pas y avoir de tournée, et qu’il était par conséquent  inutile de penser investir dans l’achat de matériel, que nous avons transformé notre magot en bonbons divers, engloutis séance tenante…
 
    
        Les dénicheurs
        Chaque printemps, Gérard Hasselwander et moi partons chaque fois que c’est possible à la chasse aux nids de corbeaux et pies. Nous écumons toutes les haies (les «palisses») des champs environnant le village. Quand nous en repérons un, nous grimpons dans les buissons, et pillons les œufs. Nous les apportons ensuite à «Bidoche», le trésorier de la société de chasse communale, qui nous remet en échange une prime dont j’ai oublié le montant, mais qui était assez importante pour les gamins que nous étions. 
        Parfois Gérard, qui est un as au lance-pierre réussit à abattre la femelle qui, par ses vols rapprochés, essaie de nous faire fuir. Chaque prise d’adulte est une fête car nous avons mis au point une petite filouterie dont nous sommes très fiers. Quand un oiseau est abattu, l’un de nous apporte à Bidoche la tête de la victime, pendant que l’autre se rend chez un autre membre du bureau de la société, et présente les pattes… Sans se poser de questions, chacun de son côté, les deux nous gratifient de la prime promise, ce qui double immédiatement notre bénéfice et décuple notre plaisir !
        
Les jeux en famille 
        À la maison il n’y a pas de télévision, pas même non plus de quoi écouter de la musique dans de bonnes conditions… Alors quand toute la famille est réunie et disposée à faire quelque chose ensemble, nous organisons des jeux, de cartes le plus souvent. Il arrive que nous jouions aux dames, aux petits chevaux ou au jeu de nain jaune, mais la belote règne presque sans partage à la maison. Les parties sont acharnées, le ton monte souvent, les fâcheries ne sont pas rares quand l’un des partenaires reproche à l’autre de jouer comme une savate !  Tout petit je me contente de regarder les autres faire, mais comme je comprends assez vite comment tout cela fonctionne je serai rapidement intégré aux équipes. Le soir, nous jouons toujours dans la petite salle à manger, soudés autour de la table ronde, sous l’ancien abat-jour de verre à contrepoids.