FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 51
Exceptionnellement, plus pour faire plaisir à celui qui l’a demandé que par conviction réelle, papa sort son violon. Mais cela arrive si rarement qu’il passe ensuite un temps infini à retrouver ceci ou cela, à changer éventuellement l’une ou l’autre des cordes, puis à accorder l’ensemble, au diapason. Nous sommes là à attendre que le cérémonial de la mise en route prenne fin. Enfin il empoigne son violon d’une main, son archet de l’autre, et il nous joue quelques pièces apprises il y a très longtemps. Ça gratte et dérape souvent, mais c’est tellement vivant que personne n’aurait l’idée de se moquer…

Encore plus rarement papa va chercher au grenier la valise de l’antique gramophone à manivelle et les quelques 78 tours qui ont sa faveur.  Nous écoutons alors religieusement George Thill ou Ninon Vallain chanter Norma… Ça gratte et  dérape bien davantage encore que lorsque papa est au violon, mais c’est magique, et aujourd’hui encore je ne peux écouter Georges Thill chanter Pauvre Paillasse sans éprouver une profonde et très sincère émotion.

Les belles journées d’été, en fin d’après-midi ou après le dîner, nous jouons aux boules dans les allées du parc. Nous n’avons que des Lyonnaises (sans doute ramenées d’Ugine ou La Lyonnaise était jouée au plus haut niveau à cette époque-là), beaucoup plus grosses et lourdes que des boules de pétanque. Mais le jeu que nous pratiquons sur ce terrain très inégal et gravillonné se rapproche toutefois beaucoup plus de la pétanque.
Contrairement à mon père ou à mon frère George qui est passionné (et qui le restera toute sa vie), ce jeu de boules me rase plutôt et je ne participe que rarement aux parties.

Les événements du village

La frairie
Début septembre, avant la rentrée des classes, c’est la Frairie à Sigogne. C’est-à-dire la fête du village. Pour la circonstance, des manèges investissent la place de la mairie, ainsi que l’espace vers la balance municipale pour le plus important d’entre eux. C’est «la chenille» qui est installée là (bien plus tard elle sera remplacée par les autos tamponneuses, qui n’existent pas à Sigogne quand j’étais enfant). Une série de voitures liées les unes aux autres tournent en boucle sur un circuit bosselé, de plus en plus vite, avant qu’un toit de toile ne se rabatte sur chacune d’entre elles pour les derniers tours… J’imagine que cette particularité est utilisée par les jeunes amoureux qui espèrent voler là leurs premiers baisers, toujours est-il que «la chenille» est prise d’assaut. Pendant les premiers tours au cours desquels les voitures prennent progressivement de la vitesse, un employé chargé de collecter les tickets d’accès saute d’une voiture à l’autre, sans jamais perdre l’équilibre. Il fait mon admiration…
Les autres attractions sont modestes, des stands de tir à la carabine à plomb, une ou deux loteries, quelques marchands de friandises et de « pistolets à bouchons », un manège pour les plus petits, un « mât de Cocagne aussi ». Ce n’est pas grand-chose, et pourtant les allées entre les différentes attractions sont très fréquentées et joyeuses…
Il faut dire qu’en parallèle, une course cycliste est organisée, et que chaque passage des coureurs (ils doivent faire une dizaine de tours) est attendu fiévreusement par un public très nombreux.
Le soir, un feu d’artifices est tiré, dans le champ en face de chez Madame Chéneby, à l’époque vierge de toute construction. Nous sommes donc aux premières loges pour l’admirer
(J’ai un doute… le feu d’artifices, c’était peut-être pour le quatorze juillet !).

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