dés… «Olé bon farceur», ou sa variante, «le gigourit» (‘higourihh’)… J’ai vécu plusieurs fois cette expérience à La Coquillerie. La grande papesse des protocoles était Denise Brun, qui dirigeait son armada de servants de la voix et du geste. Mais en dehors de ces événements auxquels j’ai assisté, on sait dans tout le village quand un cochon est mis à mort, car on l’entend «ciller» à deux cents mètres à la ronde. À Sigogne, personne ne dit que le cochon gueule. Il cille, un point c’est tout… Cela me vaudra d’ailleurs en sixième, d’être livré à la moquerie de mes petits camarades de classe par mon prof de français, qui avait trouvé intéressant de lire à haute voix un extrait de ma rédaction dans laquelle j’avais employé l’expression… Merci Monsieur Dechaigneau… Ce n’était pas la première fois que mon usage du patois me mettait dans des situations inconfortables, mais le mépris affiché par ce Monsieur Dechaigneau pour les gens de la campagne dont j’étais si proche, m’avait vraiment fait mal ce jour-là… Les vendanges La Fête, la vraie, la grande, c’est le moment des vendanges. Comme je l’ai déjà raconté, papa paie quelqu’un pour les travaux de notre vigne : «passer le cavaillon», «déchausser la vigne», «tirer les bois» etc. pour les vendanges, c’est autre chose. Tout le monde s’y met dans la famille… Les Chéneby sont là aussi, Monsieur Rambeau notre voisin ex-facteur, les Morellet … Tout est fait à la main, couper les grappes au sécateur pointu, en remplir un panier de bois rectangulaire, vider les paniers dans la hotte (je ne sais plus qui la portait, c’était un travail éreintant), verser la hotte par-dessus l’épaule dans la cuve qui attend sur son tombereau. Ensuite on emmène le tout jusqu’au chai, où une autre équipe est chargé du fouloir qui écrase les grappes, avant d’alimenter le pressoir… Que de souvenirs…
Les petits cirques
Périodiquement, de petits cirques venaient installer leur chapiteau et leurs ménageries à Sigogne… Il est probable que de telles troupes ne pourraient plus exister aujourd’hui tant elles étaient pitoyables, mais c’était alors un événement quand ils s’annonçaient, et personne à Sigogne ou dans une quelconque campagne française n’aurait eu l’idée d’évoquer les mots «hygiène», ou «maltraitance animale». Je suis allé une fois à leur spectacle, mais je n’en ai pas gardé de grands souvenirs ; quelques jongleurs et acrobates, quelques clowns qui avaient bien du mal à faire rire, et quelques numéros d’animaux dressés, des chèvres surtout. C’était très modeste, mais cela dut avoir une certaine influence sur moi comme sur mes copains puisque nous nous essayâmes à notre tour à monter un spectacle de cirque (cf. page 101) ! En revanche les «ménageries» m’attiraient davantage. Je réussissais toujours à entrer dans les enclos réservés, et pouvais déambuler tranquillement entre les cages… Des animaux malingres, parfois blessés, qui trompaient leurs idées noires en tournant inlassablement dans leurs minuscules cages, y étaient exposés… Il y avait parfois deux ou trois lions, mais le plus souvent il ne s’agissait que de quelques singes, et d’un ours ou deux. On était loin des Pinder, Bouglione ou Amar, qui représentaient ce qu’il y avait de mieux dans les années cinquante! Mais ce n’étaient pas ces animaux « exotiques » qui m’attiraient. Mon truc, c’était les petits chevaux pie. Il y en avait toujours. Dans mon esprit, ils étaient comparables à ceux que je découvrais dans le «Le dernier des Mohicans» ou dans «La route de l’Ouest» et les voir ainsi devant moi, tout près, me transportait dans les plaines du Far-West, au milieu des bisons !