FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 55
L’école
Point d’école maternelle à cette époque, du moins dans les villages comme le nôtre. Mais j’intègre les petites classes de l’école primaire de garçons en 1950, à cinq ans donc. Il est vrai que grâce à la férule de ma grand-mère maternelle, je sais déjà lire…
Après avoir occupé les bâtiments de l’actuelle mairie, l’école publique des garçons est transférée sur la route de Jarnac, dans une très jolie maison, jadis propriété de la famille Mocquet, dont l’ancien parc sert de cour de récréation. Il y a là des essences qu’on ne trouve pas habituellement à Sigogne, en particulier un plaqueminier qui donnent à la saison des centaines de magnifiques fruits rouge-tomate… que personne n’a l’idée de ramasser ! (Depuis, une extension en préfabriqué a conduit à abattre la plupart de ces arbres rares, et les lieux, par ce nouveau bâtiment, s’en trouvent doublement défigurés…). Dans cette cour, voisinent les toilettes de l’école («les cabinets») et un grand préau, où trône une  corde à grimper, seul accessoire dont disposent les instituteurs pour nous enseigner la gymnastique ! De toutes façons, nous n’avons pas vraiment besoin d’activités physiques scolaires, tant nous nous dépensons pendant les récréations, en jouant à «saute-moutons», au «gendarme et au voleur», à la «balle au prisonnier», ou encore à «touche-touche». À tout moment le jeu peut être interrompu par celui qui, levant le pouce, crie «pouce», ou «go». Pourquoi ce «go»? Plus tard, je découvrirai que ce mot était plutôt inattendu pour l’utilisation qu’on en faisait, mais «go», c’était «go», et tant que le pouce était levé, le temps d’une réclamation pour tricherie avérée ou pour une précision nécessaire au déroulement du jeu, tout s’arrêtait, un point c’est tout.
Pour l’enseignement, les enfants sont répartis en deux salles de classe, les «petits» à gauche, les «grands», à droite. À l’étage se trouvent les appartements de fonction des instituteurs. Seul celui qui est situé au-dessus de la salle de classe des petits est occupé, car l’autre est celui du directeur, Monsieur Blanc, qui habite en
fait l’épicerie de ses beaux-parents, les Raymond, sur la place entre  la poste et la boucherie Normand. Quand je suis dans la petite classe, je suis avec Madame Vieuille, que son mari vient épauler parfois. C’est avec Monsieur Vieuille que j’ai appris à compter, grâce aux petits paquets de «bûchettes» qu’il a soigneusement taillées dans des sarments de vigne, et peintes en rouge ou en vert, dont il fait des petits fagots, de cinq, ou de dix, ou qu’il laisse seules.
Je joue assez régulièrement avec leur fils, Jacquot. Un jour, guidé par le papa,  nous construisons, un avion en balsa et papier de soie, le moteur étant un élastique carré à lance-pierres que nous tordons au maximum avant de libérer l’engin. Pour le lancer, nous allons dans le grenier de l’école, qui donne sur le vaste espace de la cour de récréation. Une main retient jusqu’au dernier moment l’hélice, l’autre propulse l’avion vers l’avant. Le premier lâcher fut une vraie réussite, mais l’expérience s’arrêta dès la deuxième tentative car l’avion, qui s’écrasa misérablement au sol, fut disloqué. Sans doute avait-il mal supporté le premier atterrissage, un peu rugueux il est vrai…
Le papa de Jacquot m’aimait bien, j’allais souvent le voir dans son jardin potager, immense terrain à l’arrière des bâtiments de l’école, où il me montrait fièrement ses plus belles réussites, et me donnait des conseils pour mes propres plantations!
Comme il est prévu que je passerai le concours d’entrée en sixième, je suis exfiltré à neuf ans des petites classes, pour rejoindre les divisions des « grands ». Y a-t-il eu accord entre papa et les instituteurs pour privilégier cette stratégie, cela me paraît évident maintenant, mais à l’époque je ne me pose pas la question. Je vais dans la classe de Monsieur Blanc puisqu'on me dit d'y aller, voilà tout.!
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