L’épicerie Raymond
À Sigogne nous distinguons «Raymond-l’épicier», de «Raymond-chaussures». Je n’ai que peu souvent l’occasion de croiser Raymond-chaussures, cheveux plaqués et gominés, un peu à la manière des acteurs de l’époque d’entre deux guerres, «élégamment vêtu» et une gitane maïs collée aux lèvres. Il vend des chaussures neuves, mais donne également dans la réparation, clouant et ressemelant les vieilles godasses fatiguées des paysans du coin, perpétuant ainsi le métier d’origine de son père, Roger Raymond.
Donnant sur la route qui borde la «grande place», l’épicerie Raymond occupe elle, une position centrale. Elle est tenue principalement par la fille des Raymond, Janine, sœur du chausseur.
Janine  est la femme de René Blanc, le directeur de l’école des garçons. 
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        On ne s’approvisionne que rarement dans cette épicerie, moins garnie que la COOP que nous fréquentons habituellement. C’est pourtant là que je je trouve les chewing-gums à un franc, de la taille et couleur d’un petit pois. D’autres, vendus cinq francs permettent parfois d’en obtenir des gratuits. Pour savoir si on a eu la main heureuse, il faut déplier le papier qui les enveloppe pour voir s’il est écrit le mot «gagnant», ce qui arrive à peu près une fois sur cinq… Et 
 
    
        c’est alors avec fierté et fébrilité qu’on replonge la main dans le sac qui abrite les friandises pour en choisir un nouveau, qui pourrait peut-être bien être «gagnant» à son tour…
C’est également chez Raymond que nous achetons les paquets de «Chicorée Leroux» dont nous découpons les étiquettes, pour obtenir je ne sais plus quelle prime en fin d’année…
    
        Une expérience de physique
Un jour Monsieur Blanc nous annonça qu’il allait se livrer à une expérience de « leçon de choses ». Il nous rassembla autour de lui autour du bureau, et commença. D’abord il prit un fil de fer qu’il torsada avec une pince, enserrant sans forcer une pièce de monnaie qu’il avait sorti de sa poche. Une fois que cela fut fait, il fit constater à tous que la pièce passait librement à travers la boucle ainsi ménagée. Puis il se dirigea vers le poêle à bois de la classe, et maintint la pièce une minute  au-dessus des flammes. Quand il revint vers nous, captivés et admiratifs (même Patrick Bourrinet se tenait tranquille), il essaya de refaire passer la pièce dans la boucle de fil de fer, en vain. Alors il nous demanda quelle conclusion on pouvait tirer de cette expérience. Et mettant au clair nos réponses globalement assez fantasques, il finit par nous demander de copier dans nos cahiers ce qui fut la première loi de physique que je découvris : « Les métaux augmentent de volume sous l’action de la chaleur ». 
    
        Un cheval fou
L’anecdote m’a été très souvent racontée, par papa comme par la famille Delage… Ça se passe à La Coquillerie, deux ou trois ans avant ma naissance. Comme souvent, les Goubin et les Chéneby y ont été invités à déjeuner. Le repas terminé, tout le monde quitte la table, et pendant que les femmes sont à la vaisselle (Je n’y peux rien, ça se passait comme ça…), les hommes vaquent à diverses occupations. Papa de son côté sort dans la cour pour prendre l’air. Tout d’un coup, un sacré remue-ménage se fait entendre du côté de l’écurie. Quelqu’un crie, appelle au secours. Papa se précipite et alors qu’il pénètre dans le bâtiment, il voit Monsieur