FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
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MA VIE À SIGOGNE - 65
Delage, à terre,se débattant sous les pattes d’un cheval qui l’a bousculé, renversé, et un peu piétiné déjà.
Sans se poser de questions papa se précipite dans le box et réussit en le tirant par les pieds à extirper Monsieur Delage, le sauvant ainsi d’une mort certaine.
Légèrement blessé finalement, celui-ci raconte pendant que sa femme lui panse ses écorchures que c’est en voulant vérifier la bride du cheval, qu’il a glissé sur les pavés et s’est trouvé jeté au sol. Et le cheval, d’un naturel plutôt paisible habituellement avait eu peur de ce qui se passait et avait violemment réagi…
Et tous de vanter le courage du sauveteur !
Histoires de claques…
Je n’ai pas le souvenir que maman m’ait jamais donné de claques, ou simplement grondé, mais j’ai déjà eu l’occasion de le dire, je suis sidéré d’avoir aussi peu de vrais souvenirs de ma mère, alors peut-être ai-je gommé ceux-là aussi. En revanche la peau de mes joues garde encore la trace des quelques (rares) belles claques que papa m’a données. En voici deux exemples :
- Papa est en compagnie de Claude Veillon, le maire. Ils bavardent tous les deux, au coin de la boulangerie Chollet. Moi je viens de chez Normand, les beefsteaks pour le déjeuner sous le bras. C’est en arrivant au carrefour, au niveau du salon de coiffure, que je vois papa de l’autre côté de la route. J’aperçois bien une 4  CV noire qui arrive sur ma droite, de Jarnac, mais je suis persuadé avoir largement le temps de traverser. Ce que je fais, en courant. J’entends alors papa crier quelque chose, tandis que la voiture donne un grand coup de frein, fait un écart, et me passe au ras des fesses…
Tout ceci n’a pas duré plus de deux secondes. Quand j’arrive devant papa, il ne dit rien, mais me gifle à la volée, tandis que j’entends les imprécations du chauffeur de la voiture, arrêtée un peu plus loin…
- Je suis dans la petite chambre à côté de la cuisine. Je ne sais plus pour quelle raison je monte sur une chaise, mais perd
l’équilibre et me casse misérablement la figure. Je me relève, sans bobos. Papa qui devait être dans les parages, arrive immédiatement s’interrogeant sans doute sur les causes de ce raffut. Moi, tout content d’être indemne, je lui dis : «C’est rien, j’ai ché». Mon malheur vient que j’emploie spontanément à cet instant une tournure de patois, signifiant «je suis tombé». Malheureusement, papa entend tout autre chose, et est persuadé que j’ai dit «C’est rien, j’ai chié» ! À la maison, on ne plaisante pas avec la correction de la langue, et papa me le rappelle immédiatement. Et cet écart supposé de langage me vaut de recevoir immédiatement une belle claque !

Une dent en or
À six ans, je suis fasciné par les gens dont le sourire découvre leurs prothèses en or. À vrai dire je trouve ça très chic.
Alors, je demande souvent à papa s’il est possible que j’en aie une, moi aussi, de «dent en or». À la longue, sans doute fatigué que je le bassine avec ça, il me suggère un soir de demander à Madame Carreau (notre dentiste) son avis. On est à table, en train de finir de dîner. La suggestion que vient de me faire papa me donne une idée. Je me lève discrètement, sors de la cuisine et fonce dans le bureau de papa.
Je prends le téléphone, et après avoir tourné la manivelle comme j’ai vu le faire cent fois, je demande à l’opératrice de me passer le (je ne sais plus quel numéro) à Jarnac.
Quelques instants plus tard j’entends la voix de Madame Carreau. Sans me démonter, je lui dis qui je suis, et lui demande tout de go si elle peut me mettre une dent en or!
Un moment interloquée, je l’entends très vite partir dans un énorme fou-rire. Je ne sais plus trop ce qu’elle me dit exactement, mais après avoir raccroché je retourne à table annoncer que Madame Carreau était d’accord. Là aussi, stupéfaction et hilarité accueillent mes propos.
Cet épisode m’a collé aux basques pendant des années… Chaque
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