FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
Goubin gabriel Ange            rapport marcel lelong-03

L’unique repas n’était donné qu’au retour.
Chaque homme recevait en jetons 0 Mk.30 par jour ; les adjudants touchaient 0 Mk.60 pfg.
Il y avait une cantine où l’on ne pouvait se procurer que des cigarettes ou du tabac à des prix fantastiques ; la cantine n’était qu’une agence de vol.

Discipline
Extrêmement dure. Les chefs de poste et les sentinelles avaient l’ordre de rendre la vie la plus dure possible aux prisonniers. Au travail il était défendu de s’asseoir, de se reposer – le travail devait se faire par n’importe quel temps, même sous la pluie continue ; on empêchait les hommes d’emporter leur capote et ce n’est qu’au bout de deux mois qu’on leur donna des toiles de tente.

Défense de chanter, de siffler, au cantonnement comme au travail. Toutes distractions interdites : défense de fumer, sauf à des heures précises, deux heures le soir, - défense de lire ; pas de livres, pas de journaux.

Défense d’avoir plus de 4 marks sur soi, même en tickets. Interdiction absolue de parler et d’acheter aux Russes.

Chaque sentinelle avait l’ordre formel de tirer sans sommation pour le moindre refus d’obéissance ; l’officier répétait à chaque instant cet ordre aux sentinelles. A Sklensk, une sentinelle a tiré sur une homme qui s’écartait de quelques mètres pour aller faire ses besoins ; l’ayant manqué, elle se mettait, pour l’abattre à coup sûr, dans la position du tireur à genoux, quand elle fut empêchée par un camarade.

Coups de crosse extrêmement fréquents. Garde-à-vous prolongé imposé comme punition ; cellule ; peine du poteau (plusieurs cas, - mais personnellement je n’en ai pas constaté un seul).

Etat sanitaire
Amaigrissement progressif de tous les hommes. Anémie et asthénie musculaire surtout marquées au début d’août. Tous ceux qui n’avaient pas au début des représailles des réserves de graisse suffisante avaient un aspect tout à fait squelettique.

Malgré cet état général lamentable, excellente condition pour l’éclosion de maladies caractérisées, je n’ai pas constaté d’affections précises.

Celles de l’appareil digestif prédominaient : diarrhées, entérites, gastro-entérites. Pas de véritable dysenterie.






Beaucoup de plaies dues aux lésions de grattage (moustiques, puces). Phlegmons. 1 cas d’érysipèle de la face, assez grave.Plaies nombreuses en tant qu’accidents du travail (coups de hache). Un accident du travail mortel : CHABERT Ernest, 97è Rég. Inf. décédé le 31 juillet à l’hôpital de Grodno. Le médecin auxiliaire de LAULERIE possède sur cet accident des renseignements plus précis.

Nombreuses hernies.

Je n’ai pas constaté de cas de paludisme.

Les hommes ont reçu, fin juin, une injection de vaccin anti-typhoïdique, et fin juillet, un injection de vaccin anti-cholérique.

Lettres et colis
Les lettres envoyées ou reçues subissaient un retard systématique de deux mois et demi au minimum.
Aucun colis n’est arrivé du 1
er mai à la fin de juin. A partir du début de juillet ils ont commencé à arriver, ave un retard systématique de deux mois et demi au moins. A début ils étaient ouverts au camp de Münster II, théoriquement en présence de gradés français. On en retranchait toutes les denrées non périssables (conserves) et on n’envoyait que les objets périssables (pain, chocolat) qui n’arrivaient que moisis. Les boîtes de conserve retenues sont arrivées vers le 1er août ; il en manquait la moitié.
A partir du 1
er août, les colis étaient de plus ouverts à l’arrivée ; on en enlevait le pain pour le mettre dans la cuisine commune.

En fait les colis ne sont jamais arrivés qu’après avoir été ouverts plusieurs fois et pillés. Leur distribution était livrée à l’arbitraire du chef de corvée, qui par mesure de vexation, ne les distribuait qu’après les avoir lui-même gardé sans contrôle possible pendant plusieurs jours.

Biscuits
Les biscuits sont arrivés pour la première fois vers le 20 août. Au 8 septembre, jour de mon départ, chaque prisonnier avait touché, en tout et pour tout, 30 à 35 biscuits. (il aurait dû en recevoir 2 kg par semaine depuis le 1er juillet).

Personnel sanitaire
Le Fr. K. IV comprenait une bonne centaine d’infirmiers et quatre médecins auxiliaires. Ceux-ci ont été répartis dans chaque sous-groupe, - au hasard, car je n’ai jamais pu comprendre selon quel principe.
Je fus affecté au début à Perékop (47 caporaux, 2 adjudants, 1 caporal infirmier, 2 infirmiers) ; puis le 14 août, à Sackrjenstschtschina (277 hommes, 10 adjudants, 10 infirmiers).



LE RAPPORT LELONG - 3/4

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LA GUERRE DE 1914-1918