FAMILLE  GOUBIN - POULAT                                                             
Goubin gabriel Ange            rapport marcel lelong-04

Une partie des infirmiers assistait au travail ; les autres étaient obligés de faire la cuisine, malgré mes protestations.
Le personnel sanitaire était traité comme les combattants. Il souffrait le même régime de représailles, partageant en commun la même nourriture, le même logement, le même régime pour les lettres et les colis. Je n’ai jamais eu la moindre liberté.

La solde était régulièrement payée au début, mais en tickets, - et à condition qu’on n’ait jamais en poche plus de 4 Marks. (médecin auxiliaire 91 Marks.50 par mois, - caporal infirmier 0 Mk.52, - infirmier 0 Mk.33 pfg). Le 10 juillet, par représailles, suspension du payement.
Je dois dire qu’au moment de nous rapatrier, les allemands nous ont fait le rappel intégral de tout le passé non payé.

Je passais la visite chaque matin ; j’ai toujours reconnu systématiquement tous les hommes se présentant à moi ; ne me reconnaissant pas le droit (comme je l’ai dit souvent au chef allemand du détachement) de prononcer la formule « peut travailler » tant que chaque prisonnier de recevrait pas une ration alimentaire de travail, - qu’il n’a jamais touché.

Il me fut difficile au début de faire respecter mes décisions par le chef allemand ; j’y suis arrivé cependant à force de ténacité. J’exemptais de travail 6 à 10 hommes sur 50. J’ai toujours pu envoyer au Lazarett d’Osjory ou à l’hôpital de Grodno ceux qui me paraissaient exiger des soins ; mais je dois dire que les médecins allemands – plus allemands que médecins – abandonnaient à eux-mêmes la plupart des malades, - particulièrement celui d’Osjory (Feldartz Dr LORENTZ).

J’ai toujours protesté énergiquement, tant auprès des officiers allemands, que des médecins allemands, contre l’application au personnel sanitaire d’un régime de représailles. Je dois dire que les médecins allemands (sauf un) n’ont jamais montré à mon égard le moindre esprit confraternel. J’ai protesté, en particulier, contre l’emploi des infirmiers à la cuisine, - besogne qui ne ressemble en rien aux soins à donner aux malades et aux blessés (convention de Genève), - mais inutilement. – « Befehl ! venant du ministère à Berlin » - me répondait-on.

J’ai quitté la Russie le 8 septembre pour rentrer en France. J’y ai laissé tous mes malheureux compatriotes. Quand j’ai quitté l’Allemagne le 6 octobre, je n’avais pas pu moi-même constater leur retour en Allemagne ; mais les autorités allemandes m’affirmaient qu’ils devaient quitter Grodno le 5 octobre pour rentrer dans leurs camps d’origine.

 


Tels sont les faits que j’ai constatés en Russie. Encore une fois, je les ai exprimés aussi froidement que possible, sans la moindre exagération, comme si je faisais une observation clinique.

 Paris, le 15 octobre 1916

Marcel LELONG





















Sources:
http://genealogie.lelong.pagesperso-orange.fr/genealogie/m_l05.htm




Marcel Lelong en 1916

LE RAPPORT LELONG - 4/4

Rapport Lelong - 03
LA GUERRE DE 1914-1918