FAMILLE  GOUBIN - POULAT
Campagne de Pâques 1905
Par Raymond Leseuil, cuisinier à bord du croiseur Catinat.
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Taiohaé – Iles Marquises - Nouka
(26 octobre – 29 octobre 1905)
Nous arrivons à l’île de Nouka-Yra le 28 à 2 heures de l’après-midi. Nous avons longé le matin l’île de Uma-Uma du côté de la côte des Anthropophages. Nous avons aperçu 3 ou 4 cases perdues au milieu des cocotiers et quelques animaux sauvages, mais pas d’habitants. Ici la végétation est très active. Toute la flore équatoriale s’y montre dans toute sa vigueur. Tout pousse, on n’y cultive rien. L’île qui, paraît-il, compta jusqu’à 15.000 habitants, n’en possède plus que 800. Le commerce de la nacre et celui de la vanille, n’existant pour ainsi dire plus. Telle est la cause de la dépopulation. Tout au plus existe-t-il ici une quinzaine d’européens, 2 gendarmes qui doivent partir d’ici peu ; 1 administrateur à 2 galons gouverne l’île. Les gendarmes sont très aimables. Il y a aussi un instituteur charmant garçon originaire de l’Eure. Il y a aussi à Taiohaé une mission, 2 pères et une sœur, mais qui tend à disparaître.
Les habitants, ou naturels du pays, sont de beaux hommes bien bâtis, grands et forts, mais paresseux. Ils se nourrissent des produits du pays, de ceux qui viennent naturellement, mais ils ne cherchent pas à améliorer leur condition.  A chasse leur fournit du bœuf sauvage, du sanglier, du mouton et de la volaille. Le pain est le mayoré ou fruit de l’arbre à pain. Les fruits, la mangue, le coco, l’avocat, les goyaves oranges douces et amères, les citrons, les bananes, tout vient à point. Les femmes sont plutôt vilaines mais au moins elles portent des robes, mais c’est la seule des îles de l’archipel où les femmes sont vêtues. Il existe à Taiohaé une source d’eau ferme, très bonne. Le seul commerce qui ait subsisté est celui du coprah ou huile de coco. Il existe aux Marquises une espèce de petite mouche ou moustique appelé le Nono qui est très mauvaise. Nous partons pour Taïti le 29 à 6 heures du matin.
Papeete – Tahiti – Archipel de la Société
(18 novembre – 11 décembre 1905)
Partis de Taiohaé le 29 octobre, nous passons en vue des îles Tomoton, dénommées aussi Touamoton, le 31 de 2 heures à 5 heures de l’après-midi. L’archipel est formé d’une quantité de petits îlots à peine, élevés au-dessus du niveau des eaux. Eu de population, pas mal de végétation. Nous comptons être à Tahiti le 1er novembre au point du jour, mais la nature, faut-il le roire, en a décidé autrement car, à peine en vue de Tahiti, nous sommes inondés par une suite de grains qui nous empêchent de rentrer et nous obligent même à gagner le large. Nous profitons d’une éclaircie que se produit sur les deux heures de l’après-midi pour gagner les passes et nous arrivons au mouillage à 4 heures. Nous somment mouillés, l’avant au large et l’arrière accoste avec deux amarres à terre. Un courrier nous attend à Papeete, arrivés 3 jours avant nous par le « Mariposa », courrier de San Francisco qui suit régulièrement à Papeete tous les 36 jours. Un autre vapeur, le « Taviuni » courrier d’Auckland dessert également Tahiti, un peu plus souvent.
Tahiti, ce nom qui a été si souvent prononcé depuis notre départ, que va-t-il donner ? Moi je penche pour la désillusion. D’ailleurs, tout l’indique. Le temps, ce perpétuel printemps tant vanté, où est-il ?
Il pleut encore à torrents. Je crois que les beaux rêves que beaucoup ont fait, vont lamentablement s’effondrer ; enfin puissé-je me tromper ?
Je vous dirai cela au départ.
Nous quittons Tahiti le 11 décembre à 10 heures du matin. Durant ces 48 jours nous avons tous ou à peu près eu le temps d’examiner à loisir les moeurs et coutumes tahitiennes. Quelle est l’impression du départ ? Bonne pour les uns, mauvaise pour les autres. Les uns partent avec plaisir. Les autres pleurent presque. D’autres encore emportent avec eux des souvenirs qui leur rapellerons les bons moments de Tahiti, mais aussi quand ils reviendront… (serment d’ivrogne). Enfin je vais passer en revue les 41 jours que nous sommes restés à Papeete et tâcher d’en tirer une conclusion, chose assez difficile.

Le climat
Le climat tant vanté de Tahiti n’est pas à vrai dire le printemps perpétuel dont j’ai si souvent entendu parler en France, peut-être cela dépend-il de la saison où nous nous trouvons, mais alors cela varie avec les saisons. Cela n’est pas perpétuel. J’avais entendu dire qu’il ne tombait de l’eau que rarement et alors une plus fine et bienfaisante, or j’ai vu tomber de l’eau à torrents et souvent j’y ai vu des grains qui, comparés à ceux des autres colonies, ne leur cèdent en rien.
TAHITI EN 1905…
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