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[Michel raconte]… Je me souviens que mon grand-père chantonnait ou sifflotait sans cesse. Il connaissait par coeur des symphonies, des airs d'opéra (ou d'opérettes). Je me suis toujours demandé par quel prodige il avait pu mémoriser tout cela. Il n'allait jamais au concert (où serait-il allé au concert?... À Pont Croix en 1906?, à Kerouze en 1911? à Minden en 1917? à Moëlan sur Mer?, à Quimperlé même?...) et comme instrument de musique ne disposait que d'un énorme poste de radio qui ne devait pas diffuser la Symphonie du Nouveau Monde, ou Cosi Van Tutte tous les quatre matins! Or grand-père les possédait sur le bout des doigts.
Certes il existait à cette époque des gramophones, qui ont pu participer à la popularisation des oeuvres de musique classique. Mais mes grands-parents n'en avaient pas.
J'ai une image précise de mon grand-père, à Sigogne, traversant la cuisine pour se rendre au jardin, béret sur la tête, sabots de bois au pied et binette à la main, et fredonnant la 6° de Beethoven! Je devais avoir huit ou neuf ans. Sur le moment je ne sus évidemment pas de quelle oeuvre il s'agissait mais, quelque temps plus tard, lorsque qu'Éliane obtint son bac, elle reçut en cadeau un poste de radio avec tourne-disques intégré, et deux "disques microsillons". En écoutant le premier d'entre eux j'ai tout de suite reconnu ce que mon grand-père chantonnait ce jour-là dans la cuisine. C'était la Symphonie Pastorale.